Bonjour Cédric, pourrais-tu te présenter pour nous, s'il te plaît ?
Je m’appelle Cédric Tassan, j’ai 47 ans. Je suis marié, j'ai deux enfants, et j'habite dans le sud de la France, à Saint-Pierre-sur-Mer. Je suis ingénieur de formation mais je n’ai jamais pratiqué… J’ai créé ma propre maison d'édition, Véthopo, en 2005. On fait des topos de VTT, d'escalade, de vélo de route.
Puis, j'ai créé du contenu photo et vidéo, et ensuite, j'ai partagé toutes mes aventures à vélo sur les réseaux sociaux. Les sponsors sont venus, et des projets annexes se sont mis en place, comme la production de films et de documentaires, des partenariats. Aujourd'hui, je vis de mon travail d'éditeur et du financement de mes sponsors.
###« Je veux de l'exploration pure, des chemins non tracés »
Ces dernières années, tu as fait pas mal d'aventures très médiatisées. Peux-tu nous en parler ?
C'est principalement grâce à mes voyages en Asie centrale que j'ai été connu. Je pense qu'elles ont plu car je suis parti en solitaire au Kazakhstan, au Tadjikistan, en Ouzbékistan, dans l'Adak... des endroits où je me filme seul, porte mon matériel, et vis des expériences de résilience intense.
« Ce que je cherche, c'est la rencontre »
Ces aventures sont une exploration pure, sans organisation derrière pour me soutenir, me filmer, et me donner à manger le soir, comme certains aventuriers le font croire. Je n'aime pas du tout ce genre de mensonge qui consiste à vendre du rêve sans aucune authenticité et je pense que les gens ont aimé que je sois transparent et vrai.
Tu es toujours seul pendant tes aventures ?
Non, je rencontre des gens, bien sûr. Ce qui m'intéresse vraiment, c'est précisément la rencontre avec l'autre et le partage. Je ne vais pas chercher des destinations comme l'Antarctique ou l'Arctique, où les rencontres sont rares. Je préfère traverser des villages, rencontrer des bergers, et parfois même croiser des trekkeurs. Mais je peux passer deux jours sans voir personne.
J'ai aussi une **équipe de soutien **qui me dépose à un point et vient me chercher à la sortie. Donc, j'ai des contacts, et il m'arrive de me faire aider si une étape est trop difficile. Par exemple, au Tadjikistan, pour les premiers jours où je partais avec cinq jours d'autonomie sans nourriture, sans réchaud, j'ai pris un guide avec un cheval pour transporter de l'eau chaude et de la nourriture. Ces aides sont ponctuelles et ciblées, elles font partie de l'aventure.
###« Au Tadjikistan, je me suis retrouvé confronté à des difficultés colossales »
Rouler là-bas, c'était compliqué ? J'imagine des plaines désertiques...
Le Kazakhstan est un pays assez plat, avec de grandes distances à parcourir. Mais ce n'est pas toujours facile car je trace mes itinéraires moi-même, sans m'appuyer sur des informations préexistantes... il y a souvent peu de données sur le terrain, et je ne cherche pas à suivre des parcours déjà faits par d'autres.
Ce qui m'intéresse, c'est l'exploration avec un grand E. Même si, aujourd'hui, il est difficile de trouver des territoires inexplorés, j'essaie de créer mes propres chemins. Par exemple, quand j'ai traversé le désert du Mangystar au Kazakhstan, j'ai parcouru plus de **600 km **en suivant des pistes que j'avais repérées en vue aérienne. Je crée mon itinéraire sans savoir ce que je vais rencontrer, que ce soit du sable ou autre chose, donc il n'y a aucune information prévisible...
Il n'y a jamais eu de territoire vraiment hostile, où tu t'es demandé comment tu allais avancer ?
Si...Au Tadjikistan, c'était totalement différent, même si j'ai utilisé la même méthode pour créer mon itinéraire. Je me suis retrouvé confronté à des difficultés colossales, où être à vélo relevait presque de l'hérésie.
Mon vélo est rapidement devenu un poids mort à trimbaler pendant des jours, dans un environnement ultra hostile, à des altitudes allant jusqu'à 5000 mètres.
Il n'y avait pas de chemin, seulement des blocs de la taille de voitures, parfois plus petits, à traverser pendant des jours...
Cela s'est transformé en une véritable épreuve de résilience, où il fallait **impérativement travailler sur soi **et accepter que je n'avais plus le choix.
« Dans l'aventure, la force mentale est essentielle »
Quelles ont été tes plus grandes peurs au cours de tes aventures ?
Je n'ai pas vraiment de peurs, mais des moments de doute intense. Au Kazakhstan, par exemple, je me suis retrouvé seul dans le désert, avec 600 kilomètres à parcourir.
Mon équipe m'avait déposé sur une pointe rocheuse, à 80 kilomètres de la première ville. Une fois seul, j'ai ressenti un énorme vide. J'ai dû me concentrer et m'adapter, en prenant des photos et en cherchant mon point de départ pour calmer mes doutes.
Une autre situation difficile a été la traversée d'une rivière au Tadjikistan. Là-bas, les rivières sont imprévisibles et extrêmement dangereuses. J'ai passé une heure à chercher un endroit sûr, en vain. Finalement, j'ai trouvé un bras de la rivière moins puissant et j'ai réussi à traverser. Ces moments de doute sont intenses, mais ils font partie de l'aventure.
Comment travailles-tu ton mental dans ces conditions extrêmes ?
Chaque action est millimétrée pour éviter les accidents. Je dois maîtriser chaque détail, car je suis seul et loin de tout.
Pour travailler mon mental, je me concentre sur la résilience et la capacité à vivre dans l'inconfort. Beaucoup de gens se focalisent sur leur condition physique, mais en aventure, la force mentale est tout aussi essentielle.
Il faut apprendre à repousser ses limites, que ce soit en résistant au froid ou à la douleur. Par exemple, je choisis souvent de rester en short et t-shirt par temps frais pour renforcer ma tolérance aux conditions extrêmes.
L'important est de développer une mentalité rustique capable de s'adapter à n'importe quelle situation. Contrairement à ceux qui s'entraînent comme des Formules 1 et qui cassent dès qu'ils sortent de leur environnement optimal, je m'efforce de rester flexible et résilient. Cela me permet de continuer même dans les moments difficiles, en ne laissant pas l'inconfort me stopper.
Quelle a été ta plus belle rencontre ?
Les populations que j'ai rencontrées en Ouzbékistan, au Kirghizistan, au Tadjikistan et au Kazakhstan partagent une bienveillance et une générosité incroyables.
C'est à la fois culturel et religieux, notamment grâce à leur pratique de l'islam très ouverte envers les étrangers. Les Ismaéliens du Tadjikistan, par exemple, sont d'une tolérance exceptionnelle envers les femmes, la nature et les étrangers, sans prosélytisme. Leur approche est liée au zoroastrisme, avec une connexion profonde à la nature et au feu. C'est extraordinaire.
Quelles différences t'ont marqué par rapport à nos cultures occidentales ?
Je crois que la principale différence est liée à c'est leur sens de la transmission. Ils accueillent et partagent tout ce qu'ils ont appris, comme des passeurs de savoir. On a perdu cette ouverture chez nous, où l'individualisme domine.
Mais je crois qu'on peut retrouver cette qualité en communiquant davantage. L'être humain doit partager ses expériences et ses connaissances, comme une maison ouverte avec des fenêtres où l'air circule librement..
Tu formes des jeunes au VTT et tu emmènes souvent tes enfants dans des trips à vélo. Pourquoi est-il important de transmettre l'amour du mouvement à tes enfants ?
Transmettre le goût du mouvement à mes enfants est crucial pour moi. Le mouvement est essentiel à la vie, il maintient le corps en bonne santé et favorise la régénération.
Dans notre société moderne, nous sommes souvent sédentaires, nous passons de longues heures assis et nous utilisons la voiture pour de courts trajets.
Encourager mes enfants à marcher ou à faire du vélo leur permet de développer des habitudes saines et de découvrir le monde autrement.
Par exemple, nous partons souvent en aventure à pied, avec un sac à dos léger, sans téléphone, ce qui leur apprend à apprécier l'effort physique et le partage d'expériences.
Ces moments renforcent notre lien familial et les éloignent des distractions technologiques, les aidant à se reconnecter avec la nature et leur propre corps.