« Le vrai vélotourisme est une masse silencieuse qui utilise le vélo pour explorer le monde »
Avec sa newsletter à l'émoji citronné, le Concentré Vélo🍋, Léry Jicquel fait un carton plein. Dans ce rendez-vous des fans de vélo, il parle de tout ce qui concerne de près ou de loin le bicloune : des anecdotes truculentes aux actus économiques, de témoignages fous à des innovations à l’autre bout de la planète, des aventures magiques aux problématiques de genre et d'inégalité liés au cycle. À lui de se raconter !
À New-York, où il vit, avec son fidèle destrier
Bonjour Léry ! Pourrais-tu nous parler un peu de toi s'il te plaît ?
Je m'appelle Léry Jicquel, je suis Lyonnais d'origine, mais je vis à New-York depuis deux ans, après avoir habité 6 ans à Paris. Je suis cycliste du quotidien et cyclotouriste, mais je joue aussi Pickleball, je cours et je nage. Je crée des médias dans le vélo, comme Vélook, Le Concentré vélo, Le Podcast Vélo en parallèle de mon poste de Product Manager à Brooklyn. Mon métier, c'est de créer des équipes, qui vont ensemble créer des produits, qui essayent de résoudre les problèmes que les gens rencontrent au quotidien.
« J'adore explorer les nouveaux outils numériques »
Comment est né le Concentré Vélo ?
De mon blog de conseils sur les vélos d’occasions, Vélook, tout d'abord. À l'époque, je cherchais à créer mon propre site internet. J'ai utilisé les connaissances acquises, lorsque, étudiant, je dénichais des vélos d'occasion, pour payer mes vacances.
Mais, pendant le Covid, le site Actu Vélo a malheureusement crashé dans les serveurs d'OVH, et n'a jamais été réactivé. Moi, qui suis un peu un "tool guy", qui adore explorer les nouveaux outils numériques, ça m'a titillé. Comme je consommais beaucoup d'actualité vélo, j'ai rédigé une newsletter très simple avec un outil d'édition automatisé.
Petit à petit, ma communauté de lecteurs a grandi et j'ai été repéré par un incubateur de médias, qui m'a beaucoup aidé à développer ma newsletter Le Concentré Vélo.
Aujourd'hui, je continue à expérimenter de nouveaux médias, toujours centrés sur les besoins des lecteurs, car c'est mon ADN. Comme un artisan du vélo teste un nouveau cadre, de nouvelles roues... C'est mon bac à sable ! Et c'est gratuit pour mes lecteurs, donc j'ai vraiment la sensation de n'embêter personne :-)
« Le vélo électrique a permis à des couples de se retrouver en vacances ou en week-end »
Le vélotaf commence à être bien ancré dans les mentalités. Et le vélotourisme, où en est-on ?
Le vélotourisme évolue de plus en plus, c'est évident. Pendant longtemps, je voyais des papis sur leur vélo de course emprunter les pistes cyclables. Et depuis trois ans, je croise ces mêmes messieurs avec leur épouse en VAE ! Le vélo électrique a permis à des couples de se retrouver en vacances ou en week-end.
Le sud de la Bourgogne à vélo !
« Le vrai vélotourisme, pour moi, c'est une masse silencieuse qui utilise juste le vélo pour explorer le monde »
Tu trouves que le cyclotourisme nous rassemble ?
En réalité, non, je ne trouve pas. Autant dans le cyclotourisme, on retrouve les aventuriers à vélo qui forment une niche. Ils font des vidéos, participent au festival du voyage à vélo à Vincennes, ont leur propre magazine de lecture.
Et puis, il y a le reste des vrais vélotouristes, une masse silencieuse qui ne cherche pas à se raconter, mais qui utilise cet outil pour explorer. Pour moi, c'est par exemple un couple qui fait un city-break à Barcelone, et qui préfère emprunter des vélos en libre-service pour visiter la ville. Ce ne sont ni des militants, ni des activistes.
Tu le pratiques, toi, le tourisme à vélo ?
Oui, ça fait quelques années que je fais des voyages à vélo, avec ma femme ou avec des amis. Souvent, on loue des vélos de voyage depuis Lyon, où on prend le premier TER, pour sortir de la ville le plus vite possible. C'est comme ça que j'ai parcouru la Via-Rhona en trois jours ou que j'ai fait une boucle dans le sud de la Bourgogne, c'était sublime. En général, on ne fait pas plus de 50 km par jour, sinon c'est la course pour trouver où manger, on est explosés... Je ne cherche pas la performance !
La via rhona à vélo !
« Quand on part entre amis, on retrouve l'ambiance de footeux que j'adore »
Quel est ton meilleur souvenir ?
L'un de mes meilleurs souvenirs est un voyage avec des amis qui ne sont pas du tout dans le vélo et ne font d'ailleurs même pas de vélotaf ! Sur les 5, trois font plus d'1m90. Ils ont plutôt une culture de l'intensité, car ils ont fait du VTT avec leur papa quand ils étaient enfants. Ensemble, on a fait la ViaRhona et on a fait n'importe quoi ! 80 km le premier jour... Mais quand on se levait le matin, on se regardait et on se dit : "Qu'est-ce qu'on a mal aux fesses ! Mais on y va quand même!". C'était un pur plaisir. Il y avait juste nous, le fleuve, un peu de pluie, nos parkas, et on fusait ! Dans ces moments-là, je retrouve l'ambiance de sport collectif qui nous a fait devenir amis : la culture des footeux et de la solidarité.
Est-ce que le voyage à vélo contribue à privilégier le tourisme durable ?
Oui complètement. Quand j'ai lancé le Concentré Vélo, c'était une masse d'infos. Puis en créant des catégories pour répertorier les différentes thématiques, j'ai analysé celle qui était la plus lue. Le voyage à vélo est l'une d'entre elles. Pourtant, mes lecteurs ne sont pas vraiment cyclotouristes, mais ça les fascine, et je crois qu'on touche à "l'effet Ushuaïa". Un jour, j'ai parlé dans l'un de mes articles d'une jeune femme qui était partie près de chez elle pendant trois jours à vélo. Elle partageait son voyage. Le titre de son premier post était :"oubliez-moi" et je crois que beaucoup d'entre nous en rêvent parfois !
« Pour développer le vélotourisme, il faut dépoussiérer l'image des vendeurs et loueurs de vélo »
Que faut-il faire aujourd'hui pour développer le vélotourisme ?
Les Eurovélos sont globalement bien équipées. On peut se perdre parfois parce qu'il y a des problèmes de signalétique, mais ça fonctionne globalement bien. On peut faire des centaines de km sans mettre les pieds sur la route, comme nous, cet été, en Bourgogne.
Mais pour passer d'un reportage télé sur ces familles hors normes qui font du voyage à vélo et passent pour des extraterrestres à une norme, ça passera par le développement d'infrastructures, mais aussi des partages de récits et une médiatisation.
Et pas uniquement de jeunes urbains. Je pense aussi qu'il faudra dépoussiérer la filière vélo, montrer une approche différente de l'expérience client dans les magasins de vélo et de location.
Je pense qu'il faut plus axer sur les conseils voyage, moins sur technique, mais aussi la mise en place de services de bagagerie et évidemment l'amélioration de l'interface train-vélo.
« Dans mes rêves, le dernier wagon de chaque TGV est dédié aux vélos »
Pour toi, à quoi va ressembler le vélotourisme de demain ?
À moyen terme, il y aura trop de monde. La côte Atlantique, ça va être la folie. Mais si je suis en mode prospectif futuriste de mes rêves, le dernier wagon de chaque TGV est entièrement dédié au vélo. Il y a un service par défaut quand on sélectionne son hôtel "on vous déplace votre vélo dans un rayon de 50 km.
Quelles sont les informations qui t'intéressent le plus et celles qui te font rager ?
Dans ma newsletter, j'aime bien utiliser un ton taquin et positif. Par exemple, j'ai partagé un jour l'histoire d'un carreleur qui utilisait une énorme remorque sur son vélo pour travailler et à qui ça faisait du bien. C'est un génie, au regard de la pénibilité de son travail !
Ce que je déteste, c'est tout le blabla. Les communiqués de presse des marques et des collectivités. J'ai longtemps travaillé dans le secteur public. C'est souvent beaucoup de "bruit". Ça me met hors de moi, car tout le monde participe à cette mascarade. Je serai ravi de le partager les plans lorsqu'ils seront effectifs.
« Ma newsletter m'a ouvert les yeux sur des enjeux du secteur du vélo que j'ignorais, notamment l'inclusion et l'égalité ».
Pourquoi le sujet de l'inclusion et l'égalité t'intéressent autant dans le vélo et qu'en penses-tu ?
Ma newsletter m'a ouvert les yeux sur des enjeux du secteur du vélo dont j'ignorais l'existence. En 2021, j'ai organisé un hackathon centré sur le vélo, où j'ai rencontré Christophe, le responsable de l'association Staarp. Cette asso organise des sorties à vélo tandem pour des duos de personnes voyantes et malvoyantes. Christophe m'a fait part des difficultés rencontrées pour transporter un vélo tandem en train ou pour en louer un dans les zones touristiques. Depuis, j'ai été fréquemment contacté par des associations qui cherchent à promouvoir la diversité et l'inclusion à travers le vélo ou dans le secteur cycliste. Je pense notamment à l'association Les Femmes à Vélo ou Les Roues Libres.
Comment évolue la pratique du cyclotourisme aux Etats-Unis ?
Le cyclotourisme aux États-Unis connaît un essor important, stimulé par une prise de conscience croissante des bienfaits du vélo pour la santé et l'environnement, notamment dans les grandes villes.
Les vastes paysages américains, de ses parcs nationaux aux grands centres urbains, offrent une grande diversité d'itinéraires. Et puis, l'amélioration des infrastructures cyclables et la multiplication des événements dédiés au vélo contribuent à cette tendance positive.
Par exemple, à New-York, chaque année, on peut visiter la ville à vélo parce que la municipalité bloque les grandes artères aux voitures pour la rendre uniquement accessible aux cycles.
LA MINUTE CULTURE de Léry Jicquel
Une musique pour les voyages à vélo : Ain't No Mountain High Enough, Marvin Gaye.
Une lecture pour découvrir le voyage à vélo : Ce sont des livres que j'aime lire ou relire durant mes voyages à vélo : Les romans historiques d'Amine Maalouf comme Samarcande, Léon l'Africain...