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Alisée, co-fondatrice de Mollow : « Je veux inspirer plutôt que culpabiliser »

22 déc. 2023
5 min
Alisée, co-fondatrice de <red> Mollow </red>: « Je veux <red> inspirer </red>  plutôt que culpabiliser »

L'article en Bref

Elle n'a que 24 ans, mais elle a déjà cocréé une plateforme, Mollow, qui aide les gens à privilégier le train plutôt que l'avion, dans une perspective de décarbonation du tourisme. On a rencontré Alisée Mollow, pour qu'elle nous raconte son parcours !

Sommaire

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« Je veux inspirer plutôt que culpabiliser »

« Je veux inspirer plutôt que culpabiliser »

Il en faut, du courage, pour taper du poing, sur LinkedIn, contre une industrie du tourisme trop polluante, un entre-soi trop masculin dans nos institutions et des décisions gouvernementales trop timides, à 24 ans. Mais s'il faut passer un savon au ministre de l'Économie pour transformer le voyage, Alisée Pierrot ne s'en privera pas ! Rencontre avec la co-fondatrice de Mollow, une plateforme déterminée (comme jamais), à décarboner le tourisme.


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Bonjour Alisée ! Pourrais-tu nous parler un peu de toi s'il te plaît ?


J'ai 24 ans, je suis la cofondatrice de Mollow, une plateforme qui a pour objectif de faciliter les voyages bas-carbone et la mobilité durable. J'ai fait des études d'ingénieur généraliste, notamment à l'étranger. J'ai peu à peu développé une conscience environnementale. Définitivement, augmenter la productivité d'une grande entreprise n'était pas ce que je souhaitais.


Ce questionnement m'a amené à choisir un Master en développement durable, je voulais vraiment lier mes compétences techniques avec l'urgence climatique. J'ai cru le trouver en travaillant dans un grand groupe en RSE, mais j'étais frustrée de ne pas voir l'impact de mes actions. J'ai su qu'un petit projet à grand impact était fait pour moi.

J'ai rencontré Chiara, qui cherchait des bêta-testeurs pour Mollow. Ce projet me parlait énormément et je l'ai très vite rejointe pour le développer.


Aujourd'hui, Mollow, c'est +100 destinations accessibles sans avion ni voiture en France et en Europe, et +35 000 utilisateurs chaque mois !


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« Au début, arrêter l'avion, c'était un petit deuil »


Tu as créé Mollow pour "réinventer nos imaginaires de voyages, et proposer une vision positive de la sobriété" : pourquoi ?


Je suis beaucoup partie seule, dans une dizaine de pays européens, car je faisais partie d'une association d'étudiants ingénieurs. Ces voyages m'ont énormément nourri personnellement, ils m'ont permis de comprendre qui j'étais, de comprendre l'autre, finalement. Mais ils ont aussi fait éclore ma conscience écologique. Donc j'ai pris la décision d'arrêter de prendre l'avion.

Au début, c'était un petit deuil, car j'avais la sensation que je ne pourrais plus m'adonner à cette passion. Mollow m'a aidée à comprendre qu'il était possible de voyager autrement, notamment en train. Je me suis rappelée les vacances en France que j'avais adoré, enfant, souvent dans les Alpes.

C'est en prenant conscience de cela que j'ai réalisé que nous avions besoin de réinventer nos imaginaires de voyage. J'ai compris que pour convaincre les gens, il fallait les inspirer, et pas juste les culpabiliser.


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La magie des aurores bauréales en Suède


Quel est ton plus beau voyage en train ?


La Laponie suédoise, pour mon premier train de nuit. Une ambiance folle parce que j'étais avec tous mes amis d'Erasmus. Ce trajet est relativement long. Nous sommes partis à 17 h 00 pour arriver à 10h du matin. Pendant tout ce temps-là, c'était la nuit noire. On a débarqué au milieu de nulle part. Sur le quai, il y avait déjà plusieurs mètres de neige. Trois heures plus tard, nous étions hébergés chez des Samis, le peuple autochtone de la Laponie, à attendre les Aurores boréales, dans un jardin peuplé de rennes. Bref, c'était exceptionnel !


« À vélo, tu es maître de ta propre aventure »


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Et ton plus beau voyage à vélo ?

Je suis encore novice dans le voyage à vélo, mais j'ai grandi dans une famille fan de vélo de route et de montagne. Surtout, j'ai été nourrie de tous ces voyages simples dans les Alpes, qui étaient des aventures folles pour moi. Je me souviens de vacances, lorsque j'avais 7 ans, où nous partions avec nos six vélos sur le toit de la voiture. Pour moi, rejoindre le lac à vélo était une aventure en soi !

A posteriori, je me dis que ces vacances-là sont tout aussi fantastiques que lorsque l'on part à l'autre bout du monde. On se sent libres, maîtres de notre propre aventure, fiers de cet accomplissement. Et puis, le vélo, c'est accessible à tout âge ! La preuve, mes parents se sont mis au bikepacking à 65 ans pour mixer leur amour du sport et de la nature !


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Quelle est la place du vélo dans la mission de Mollow ?

Pour moi, le vélo est le meilleur rapport "aventure/empreinte carbone". C'est la mission de Mollow, de réduire l'impact des transports et de la mobilité et du tourisme. Oui, avec le vélo, on ne va pas très loin, mais l'empreinte carbone est de quasi 0. Dès qu'on se pose dans un vélo, c'est déjà un petit périple.

Par exemple, j'ai récemment découvert la Baie de Somme en louant un vélo pour un week-end. C'était un break de deux jours, ultra-dépaysant. Je ne pensais plus à rien, juste à pédaler. Ça ne m'a presque rien coûté, mais j'en suis revenue avec des beaux souvenirs plein la tête.


« En Belgique flamande et aux Pays-bas, les systèmes de location de vélo sont accessibles et hyper simples »


Quelle est la complémentarité entre les voyages à vélo et les voyages en train, dans une perspective de tourisme durable ?

La perspective la plus probable selon moi est celle du dernier kilomètre. Avec le train, on peut déjà rejoindre un grand nombre de villes. Mais une grande majorité des gens vivent loin de ces villes. Il faut donc pouvoir se rendre de manière décarbonée, une fois arrivé en gare, à son lieu de villégiature ou à son loisir. Le vélo permet de solutionner ça.

Le problème, c'est qu'aujourd'hui, c'est encore très compliqué de prendre son vélo dans le train, non seulement parce qu'il n'y a pas assez de place dans les wagons, mais aussi parce que l'arrivée en gare reste complexe.

J'ai pourtant observé des solutions intéressantes en Belgique flamande et aux Pays-Bas. Il existe là-bas des systèmes de location très simples et accessibles pour louer un vélo de qualité, y compris pour plusieurs jours, directement dans la gare. Pourquoi de pas dupliquer ça en France ?



Comment l'imaginaire peut-il révolutionner l'industrie du tourisme ?

Je pense que c'est LA clef pour révolutionner le voyage. Aujourd'hui encore, quand les gens pensent à ce mot, ils ont systématiquement en tête : sable fin, avion, eau turquoise, lointain.

Cet imaginaire est créé par les images que nous voyons à longueur de journée, à travers les médias, les influenceurs, les publicités. Une étude de Greenpeace l'a d'ailleurs démontré encore récemment. L'industrie du tourisme est donc très polluante. Elle représente 11% de l'empreinte carbone en France, en grande partie à cause des transports, notamment l'avion. Pourtant, le tourisme, c'est quoi ? C'est s'évader, se faire plaisir, répondre à nos imaginaires, donc.

Donc si on arrive à remplacer ces imaginaires par des récits de voyages plus proches, au temps plus long, des choses plus simples, plus longtemps dans un seul et même endroit, à faire de nouvelles activités, ça va tout chambouler. Les industriels du tourisme ne font que répondre à une demande.


« Les choses bougent. D'ici à trois ans, nous serons dans une tout autre réalité »


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Les couleurs chatoyantes de l'Italie


Tu te sens optimiste par rapport à cette mission ?

Ça dépend des jours. Parfois, je vois que les choses évoluent, notamment parce que j'ai la chance de découvrir de nouvelles initiatives innovantes, avec des petits ou grands budgets.

Mais quand je rencontre le grand monde du tourisme, je réalise le chemin infini qu'il reste à parcourir. Quand j'entends par exemple qu'il faut pousser le tourisme équitable en allant au fin fond de l'Afrique, parce que cela aide les populations locales et que c'est vertueux, alors qu'on sait que ce n'est pas soutenable de faire des aller-retours longs courriers tous les ans, ça me fait peur.

Ceci dit, ces deux dernières années, il y a un engouement pour le train dingue. Je crois beaucoup en l'effet boule-de-neige et d'ici à trois ans, on sera dans une autre réalité.


« Hier, le train de nuit faisait peur. Aujourd'hui, il fait un carton ! »


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Quelles sont les preuves concrètes que les choses évoluent ?

Il y a cinq ans seulement, la SNCF voulait arrêter tous les trains de nuit. Elle a fait le pari d'en relancer une majorité en 2021 et en 2022 et 2023, ce sont les trains sur lesquels la fréquentation est le plus en hausse, de loin ! Aujourd'hui, les trains de nuit sont presque tous complets 🔥. C'est un voyage qui fait rêver plein de gens, alors qu'hier encore, il faisait peur, y compris mes propres parents...


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En Suède, où Alisée à vécu pour ses études d'ingénieure

Comment changer ces imaginaires ?


La publicité, évidemment, côté industrie et personnalités. Par exemple, toute la communication autour des équipes de rugby qui prenaient le train, c'était très puissant, même si en termes d'impact environnemental, cela pesait peu. Les gens se disent : "tiens, ma personnalité préférée se met à prendre le train pour aller en France, au lieu de dire : regardez-moi dans mon jet pour Dubaï, ça changera tout".

Et puis il y a monsieur tout le monde, toi, moi, les autres. Il n'y a rien de plus fort que ton pote qui te fait rêver en te racontant son incroyable voyage au fin fond de l'Autriche dans les montagnes en train et vélo. Tu t'identifies, ça te donne envie... Inspirer par le positif, c'est très fort, si on veut un véritable changement, c'est-à-dire, si on suit les chiffres de Greenpeace, prendre l'avion seulement quelques fois dans sa vie.


« Je crois en la force de l'inspiration positive, mais on ne pourra pas se passer d'une réglementation face à l'urgence »


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Est-ce que tu penses qu'on pourra se passer de réglementation juridique si on arrive à convaincre la masse par les imaginaires ?

Malheureusement, je ne crois pas que ça suffira face à l'urgence climatique. C'est un sujet très complexe, car cela pose la question de la justice sociale. Si on met juste un Stop complet, ça pose aussi des questions, car quid d'un Français, par exemple, qui ne peut pas aller rendre visite à sa maman souffrante à l'autre bout du monde ? Comment juger les vols vraiment importants et ceux qui le sont moins ?


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Quelle est ta plus grande fierté avec Mollow ?

Avoir créé une grande communauté de voyageurs décarbonés qui montrent que c'est possible et agréable de voyager autrement. Quand je rencontre des gens qui me disent qu'ils sont partis en Italie en train grâce à Mollow, je trouve ça beau.


As-tu un message à faire passer ?


Je voudrais rester sur une note d'espoir. Le train et le vélo explosent. On en voit beaucoup plus, les gens ont envie, et quelques promesses gouvernementales sont faites. Un budget de 100 milliards pour le ferroviaire, le pass Rail, d'ici l'été prochain. C'est loin de l'idéal, mais c'est déjà une très belle première étape.

La minute culture d'Alisée Pierrot

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Une musique pour les grosses descentes à vélo : Viva La Vida - Coldplay

Une musique pour les montées : Temperature - Sean Paul

Une lecture pour découvrir le voyage durable : Le monde en stop, de Ludovic Hubler (Le monde en stop, de Ludovic Hubler) (pas totalement décarboné, mais axé sur le slow travel et la rencontre !)

On vous a fait rêvé ?

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À propos de Frédérique Josse

Chaque jour, j'essaie de comprendre comment évolue l'économie circulaire, l'outdoor, le tourisme sportif. Journaliste de formation, je fais une veille pour vous et vous raconte les dernières tendances !

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