« L’engagement pour l’environnement doit être excitant ! »
Dans son élément, l'Océan © manerawatermen
Bonjour Benjamin ! Très heureuse de t'avoir dans cette newsletter sur le voyage à vélo. Tu as de nombreuses casquettes dans la vie, pourrais-tu nous résumer ton parcours et tes métiers ?
Je m’appelle Benjamin de Molliens, j'habite à Marseille, mais je suis breton et je tiens à le rappeler, car j'en suis fier 🤗 !
J'ai grandi dans une famille nombreuse, avec quatre sœurs et deux parents anciens chefs scouts, passionnée d'aventures en rando et en van. Ce sont eux qui m'ont donné le virus 🏕.
Puis j'ai fait une école d’ingénieur et j’ai beaucoup travaillé à l’étranger, comme business developer dans le digital, notamment dans la Silicon Valley.
En 2016, j'ai eu un premier déclic écologique sur la pollution plastique. Je n’étais pas très bien dans mon boulot et j’ai voulu me lancer dans un projet mêlant aventure et protection de l’environnement. C’est comme cela que j’ai rejoint le collectif Plastic Odyssey, un collectif qui lutte contre la pollution plastique de l’océan.
Trois ans après, je suis parti pour fonder Expédition Zero, une série d’aventures sportives.
Puis j'ai cocréé Objective Zero, une agence qui propose des conférences, ateliers et éco-défis pour sensibiliser à la sobriété, avec Alice Isaac.
Hors de question d'acheter du neuf pour Benjamin. Avec le partage, le prêt, la réparation, on s'équipe parfaitement © ben_expedition_zero
Comment est née cette vocation de faire de l'écologie le cœur de ta vie
C'est une succession de petits évènements. J'ai toujours été fasciné par la nature et le sauvage. Dès que mes parents m'emmenaient en montagne, je cherchais à observer les chamois que j'ai toujours adorés.
Pour autant, j'ai bien consommé cette nature en voyageant partout dans le monde, en mangeant à chaque repas ou presque de la viande. Mais à San Francisco, même si j'aimais la ville, je ne me sentais pas aligné avec mon travail.
En parallèle, je me suis documenté de plus en plus sur l'écologie. J'ai notamment regardé le documentaire Océan, le mystère Plastique de la fondation Tara ainsi que Demain, le film de Cyril Dion.
De fil en aiguille, je me suis dit : ce dont je rêve, c'est faire de l'aventure, mais qui respecte l'environnement. C'est comme ça que je me suis associé au projet Plastic Odyssey. Je combinais enfin ma passion et mes convictions.
« La sobriété est l'une des solutions clés de cette crise »
Avec Thomas, alias @bonpote et @arthur_auboeuf alias @timefortheplanet © ben_expedition_zero
Tu prônes "l'aventure vers la sobriété". C'est quoi, exactement ?
La sobriété est l'une des clefs de cette crise environnementale et sociale. On a beau retourner le sujet dans tous les sens, avec de la croissance verte, avec du techno-solutionnisme, la vérité, c'est qu'on consomme trop. Il faut décroitre, ralentir, sauf quand c'est urgent de repenser le modèle, comme l'agro-écologie, qu'il faut absolument développer.
La sobriété, c'est un ralentissement volontaire, mesuré et planifié. C'est le contraire de la pauvreté, qui est subie, injuste, violente, et nous empêche de répondre à nos besoins.
C'est limiter ses désirs, pour donner plus de place aux autres, à la nature, à l'habitabilité de cette planète.
Ce sont des valeurs saines : on boit moins, on fume moins, on mange moins de viande, on prend moins l'avion. Mais on a plus de temps, moins besoin d'argent. On est moins aliénés, en meilleure santé parce qu'on évite le stress et le burn-out.
C'est convivial, c'est solidaire, c'est beau et j'ai très envie de le rendre populaire, même si c'est compliqué parce qu'on est sans cesse poussés à consommer.
« L'aventure est un trait d'union très fort avec la nature »
Apéro-bromance dans le Jura avec @alexandre_melot © ben_expedition_zero
Comment l'aventure peut-elle aider à se mettre en action pour défendre des causes ?
La transition écologique doit être excitante. Dans une société qui ne va pas dans ce sens, c'est dur, angoissant, parfois aussi ennuyant, solitaire et culpabilisant.
Pour rendre cet engagement joyeux, j'ai utilisé l'aventure. Ça m'a permis de tenir dans le temps, de ressentir du bonheur et de l'émerveillement. L'aventure, surtout sportive et en pleine nature, génère énormément d'émotions.
Et puis, cela parle à beaucoup de monde. Avec le sport et l'aventure, on capte l'attention des gens au-delà de leurs convictions. On peut les sensibiliser, parce qu'on est en contact direct avec les conséquences réelles des problématiques environnementales. On voit les glaciers qui fondent, on subit la sécheresse et la chaleur.
Nous sommes des témoins essentiels et l'aventure est une manière incroyable de donner envie de protéger la nature et de prendre du plaisir en toute sobriété.
« Le vélo est une leçon d'humilité qui nous fait comprendre qu'on peut prendre du plaisir sans tout casser »
"Contempler plutôt qu'exploiter 🏔️❤️", la punchline qui calme ta CB directe © ben_expedition_zero
Est-ce que l'outdoor et le vélo permettent de devenir plus écocitoyen et de lutter contre l'éco-anxiété ?
Le truc le plus pur pour être en contact avec la nature, c'est la marche, car il n'y a aucune barrière entre nous et le vivant. Mais le vélo aussi est un médium génial. Il n'y a pas cette carcasse d'une tonne qu'est la voiture, qui nous sépare du sauvage. Simplement quelques kilos d'acier qui nous transportent quand on circule le long de routes et sentiers. Ça crée un trait d'union très fort avec la nature.
Et puis il y a ce côté débrouillardise avec le vélo, qui reste un objet low-tech, (malgré tout ce qu'il y a aujourd'hui de high-tech). La bicyclette à l'ancienne est simple et sobre, pas chère, on peut la réparer.
Surtout, le vélo est thérapeutique, parce qu'il nous fait faire des efforts, flâner, penser... C’est magique !
Je suis 100% convaincu que le sport et l'aventure permettent de lutter contre l'éco-anxiété, parce que c'est une sorte de passage à l'action. Agir rend heureux et le vélo est un cheminement physique et mental qui nous fait évoluer, mûrir, sortir de sa zone de confort, changer notre regard sur le monde.
C'est une leçon d'humilité qui nous fait comprendre qu'on peut prendre du plaisir sans tout casser.
1000km jusqu'à Glasgow avec ses copains de la fresqueduclimat et de l'atelier 2tonn. Autant dire qu'on n'est pas là pour siffler du pastis © ben_expedition_zero
Quelle est ta plus belle aventure à vélo ?
La toute première, de la Bretagne à la Normandie. Elle était forte symboliquement, car je rejoignais ma petite amie, qui se déconfinait à 600 km de là et que ce sont deux régions auxquelles je suis très attaché. J'étais heureux de découvrir l'intérieur des terres bretonnes de mon enfance, que je connaissais mal, ayant grandi sur la Côte.
Le voyage le plus grandiose en termes d'évasion, c'était de remonter vers Glasgow pour la Cop 21. C'était en novembre, il faisait froid, la nuit tombait tôt. Mais c'était magique et fou.
J'ai traversé la superbe campagne anglaise, avec ses cottages. Et la campagne écossaise, avec ses Highlands. Ils n'ont pas fait cette bêtise monumentale qu'on a faite, en France, de l'agriculture intensive. Là-bas, il y a encore plein de bocages, de haies, de vie à la campagne. C'était d'une beauté époustouflante.
« La transition écologique doit être excitante »
Il caille, mais il kiffe © ben_expedition_zero
La plus mystique et la plus émouvante ?
En Écosse, j'ai dormi un soir chez quelqu'un grâce à l'incroyable réseau d'entraide de cyclistes, Warm shower. Je l'ai contacté à 21 h 00, il m'a accueilli tout de suite !
Le lendemain, lui-même partait rejoindre sa femme en Écosse, à 230 bornes de là. Nous avonsfait les 70 premiers kms ensemble sous une pluie battante, pour passer la frontière entre l'Angleterre et la France. Il était devant moi, sous le brouillard et la flotte, rien ne l'arrêtait. Une machine ! Moi, je prenais cher, mais je le suivais, c'était mon guide. J'ai adoré ce moment suspendu.
« Quand je sors mon duvet , c'est déjà le début de l'aventure ! »
En mode influenceur positif © ben_expedition_zero
Quels sont tes rituels avant de partir ?
Je suis super excité, déjà ! Ce que j'aime surtout, c'est sortir mes affaires de bivouac et mon duvet, parce que ça sent l'aventure qui commence. J'aime bien mon petit maillot Pinarello qu'un jeune homme m'a donné, lorsqu'il m'a aidé à retaper mon vélo. Depuis, je le porte toujours. Je prends aussi mon petit cycliste, j'aime bien être tout nu dedans, je ne sais pas si c'est bien ou pas 😂. Bref, je n'ai pas trop de rituel, c'est juste du kiff !
Alors, ils sont toujours ternes, les écolos ? © ben_expedition_zero
Quelles sont les choses inavouables que tu adores faire en pleine aventure ?
La pause pipi, très agréable ! Non, je plaisante 😇. J'aime m'arrêter manger dans un petit café, grignoter. Quand je voyage, je ne me donne pas de limite si ce n'est le fait de ne pas acheter des choses emballées. Je me fais plaisir dans les boulangeries : éclairs au chocolat, religieuses, croissants aux amandes... 😋
« L'un des gros plaisirs de voyages à vélo : manger des pâtisseries »
Non, Benjamin n'a pas gagné au loto. Il célèbre sa "diagonale du fou", une traversée du Massif des Écrins en courant (qui a dit fou ?!) © ben_expedition_zero
Avec quel équipement voyages-tu ?
Je prends un vélo mi gravel, mi-randonnée. À l'avant, je pose mon téléphone, pour suivre le chemin, même si j'essaye de ne pas être dessus sans cesse. J'aime bien l'appli Komoot. J'ai ma sacoche de cadre, mes bidons dans le cadre, aussi, ma sacoche avant dans laquelle je mets la tente. J'ai aussi une sacoche de selle, dans laquelle je range tente, matelas et quelques outils et... c’est bien utile !
« Je me suis lancé en vainquant ma peur de manquer, en me disant, vas-y, fonce, tu n'as qu'un passage sur terre »
Comment devient-on éco-aventurier ?
Je me suis lancé sur un petit voyage après le déconfinement. Je l'ai raconté sur les réseaux et ça faisait marrer les copains. J’avais une petite aide financière Covid parce que j’avais perdu mes missions de free-lance. Alors, je me suis laissé six mois pour faire des aventures, voir si ça captait l'attention des gens. J’ai fait trois aventures, une à vélo, une en randonnée et une en stand up paddle.
La traversée des Alpes à pied a super bien pris, des milliers de personnes se sont abonnés à mon compte, certainement parce que j'étais authentique. Ça a attiré l'attention des médias.
Lors du deuxième confinement, j’ai lancé le défi #nettoietonkm, qui invitait les gens à profiter de leur sortie quotidienne pour ramasser les déchets dans un rayon d'un km autour de chez eux. Ça a fait un énorme buzz et ça m'a propulsé.
Et puis, en décembre 2020, on m'a demandé de faire une conférence. Petit à petit, j'ai pu en vivre. C'est incroyable, parce que ce n'est que du bonheur.
Comment j'ai fait ? Je ne sais pas trop. Je crois que j’ai accepté de ne pas avoir peur de manquer. Je me suis dit : "fonce, tu n'as qu'un passage sur terre, fais ce dont tu rêves !".
Qui a dit que sobriété rimait avec déprimé ? (Ok ça rime en vrai, mais pas philosophiquement 😂 !) © ben_expedition_zero
« Mon message à Macron :
On peut y arriver avec un niveau de sport très relatif et des enfants ?
Oui, j'en suis convaincu. Je ne suis pas Mike Horn, j'ai totalement déconstruit ce syndrome de l'imposteur. Ce qui intéresse les gens, ce n'est pas que tu battes des records, mais que tu racontes une histoire. Regarde Hélène Binet, de MakeSense, qui part avec sa famille, ça a l'air magique, pareil pour les 2 Bike 3.
Finalement, le simple fait de partir à vélo pour faire un bivouac à côté de chez soi, 99% des gens ne le font pas. Alors quand c'est le cas, cela créé de la curiosité et une opportunité d'en faire quelque chose, un métier, un projet perso. On s'en fiche d'être le meilleur. L'accessibilité, ce n'est peut-être pas aussi "Wahou" que les records, mais ça permet au plus grand nombre de s'identifier.
Quoi, y' a pas que le vélo dans la vie ? © ben_expedition_zero
« Il faut que la petite reine devienne le programme roi ! »
Tu as un message pour Emmanuel Macron à propos du vélo et de l'environnement ?
Il faut que la petite reine devienne le programme roi ! Il faut taxer le kérosène des avions à fond et utiliser tout cet argent afin de développer le vélo et le train. C'est bon pour l'environnement, la santé, le portefeuille.
Un pays qui a bien maillé son réseau de transport et qui fait en sorte que le vélo soit pratique, accessible et facile est un pays qui gagne sur le moyen-long terme.
LA MINUTE CULTURE de Benjamin de Molliens
Une musique pour les voyages à vélo : Petit Pays, de Gaël Faye, mais aussi de l'électro, de la musique française 💙. Ceci dit, j'écoute très peu de musique quand je voyage à vélo, parce que je préfère entendre les sons de la nature 🍀.
Une lecture pour découvrir le voyage à vélo : Bike snob, chroniques d'un fou de vélo, par Ben Weiss, un superbe livre d'un passionné de vélo.