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« Les Others, c'est un média pour s'émerveiller » : rencontre avec Mathias Riquier

20 juin 2024
4 min
« Les Others, c'est un média pour s'émerveiller » : rencontre avec Mathias Riquier

L'article en Bref

Que pensent les professionnels de l’outdoor de l’évolution du cyclotourisme, longtemps réservé à une élite en quête de sensations fortes ?

Mathias Riquier, après 5 ans chez Komoot France en tant que marketing manager, dirige aujourd’hui les contenus chez Les Others, le média de référence de l’outdoor qui produit notamment l’excellent podcast Les Baladeurs. Grand amateur de voyages à vélo en solo, Mathias y a vécu des expériences quasi-métaphysiques et observe avec un œil avisé la folie autour du bikepacking.

Il nous raconte comment sa passion pour la petite reine est née et partage son analyse des paradoxes autour de l’outdoor.

Sommaire

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©Damien Bettinelli - @damienbtnli

Hello Mathias, pourrais-tu nous parler de toi, de ton parcours ?

**Mathias Riquier **: Enchanté et merci pour l’invitation ! Pour mon parcours, il y a eu quelques zig zags : je ne travaille d’ailleurs que depuis 5 ans dans le monde de l’outdoor. Mais j’ai toujours plus ou moins essayé de faire de ma passion mon métier, j’ai donc passé les premières années de ma vie professionnelle à être journaliste culture et musique, pour le magazine Tsugi ou pour l’émission Tracks sur Arte par exemple. J’ai aussi fait des crochets que je n’avais pas prévu, comme un passage dans l’émission C à Vous, ou une période à être coursier à vélo !

Maintenant je suis basé à Nantes, je suis originaire de Bretagne - région qui compte énormément pour moi - et je passe autant de temps sur un vélo qu’en festival de musique ou en train de jouer aux jeux vidéo, parce qu’on peut aimer dormir dehors et être un peu geek en même temps !

« Les Others est l'un des seuls médias outdoor à déveloper une sensibilité culturelle »

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Peux-tu nous présenter Les Others ?

Mathias : C’est un média vraiment unique en son genre, dont j’étais hyper fan avant d’avoir la chance d’y poser mes valises. C’est l’un des seuls médias qui envisage les sujets “outdoor”, comme l’escalade, le vélo, la rando ou l’alpinisme, avec un pas de côté et une sensibilité “culturelle”. Les Others c’est un média fait avant pour s’émerveiller et questionner le monde qui nous entoure, très inspiré par la littérature, le cinéma, le design.
On développe un magazine qui sort tous les 6 mois, avec à chaque fois une thématique forte. Notre dernier volume, le 18, s’appelle “Par amour”.

Notre podcast Les Baladeurs est également un gros succès, on approche les 80 épisodes et on a réellement trouvé notre public ! On est également très actifs sur les réseaux sociaux, on publie un condensé de culture outdoor dans une newsletter… Et on a même créé un petit frère, le média Recto verso, qui lui est 100% pratique, avec des conseils, des tutos, des aventures avec plein de détails concrets, etc… Bref, on ne chôme pas !

Quel a été ton premier contact avec le vélo ?

Mathias : Contrairement à beaucoup de gens, je n'ai pas été biberonné au vélo. J'ai même appris à faire du vélo assez tard, vers l'âge de 9 ans, ça ne m'intéressait pas vraiment quand j'étais enfant. J'avais toujours une bonne excuse pour repousser l'apprentissage, je trouvais ça trop contraignant. Et puis, un jour, je me suis décidé à essayer, car je voyais bien que ça pouvait être un moyen de gagner en indépendance.

Mes premiers véritables moments de plaisir à vélo ont été avec le BMX, vers l'âge de 16-17 ans. C'était un univers **totalement différent **du vélo classique, plus proche d'un sport de glisse. J’ai été très attiré par son côté communautaire et l'adrénaline qu'il procure. J'ai passé beaucoup de temps à faire du BMX, jusqu'à ce qu'une luxation de l'épaule et un passage à l'hôpital viennent un peu freiner mon enthousiasme ! Mais ces expériences ont définitivement marqué mes débuts dans le monde du vélo.

Comment on passe du BMX aux voyages à vélo et à un boulot entièrement tourné sur l’outdoor ?

Mathias: C'était en 2013. Je me baladais à Paris avec ma copine de l'époque, près du bassin de la Villette, quand on est tombés sur des panneaux verts indiquant la direction de Londres, à 624 km. Ils avaient été installés après les JO de Londres, pour promouvoir l'itinéraire cyclable Paris-Londres. On s'est dit “tiens, ce serait plus stimulant et agréable de voyager à vélo plutôt que de prendre l'avion !”

On a donc acheté des vélos et on s’est lancé, même si on n'était pas vraiment expérimentés. Finalement, une semaine avant le départ, la météo annonçait un temps affreux pour notre trajet initial. Alors on a changé de plan et opté pour un parcours entre Bordeaux et Sète, d'une distance similaire mais avec un climat bien plus clément. Ce changement de dernière minute nous a montré à quel point les voyages à vélo pouvaient être flexibles et amusants. C'était le début d'une vraie passion pour les aventures cyclistes. En rentrant, j'ai commencé à aller au travail à vélo chaque jour. Je crois qu'il n'y a pas eu un seul jour depuis où je n'ai pas fait de vélo dans ma vie quotidienne…

« Grâce au vélo, j’ai cette sensation d’improvisation et de flexibilité que je recherche en vacances »

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© Sophie Gateau @sofigato

Qu'est-ce que tu recherches à travers le vélo ?

Mathias : J'aime le vélo pour la liberté qu'il procure. Je n'aime pas trop planifier à l'avance mes vacances, et cet instrument me permet de changer mes plans à la dernière minute. C'est un sentiment d'évasion, d’improvisation et de flexibilité que j'apprécie énormément. Parfois, tu penses dormir là, et finalement, à la dernière minute, tu as envie de changer, parce qu’un autre lieu te fait de l’oeil. Avec le vélo, tu ne te sens pas prisonnier d’un programme, le truc qui m’angoisse le plus ! Et puis, c’est un moyen de transport qui permet de rencontrer des gens que tu n’aurais jamais, mais jamais rencontré dans la vraie vie. C’est très enrichissant.

Est-ce que tu peux nous raconter ton souvenir le plus marquant ?

Mathias : Ah, c'est une question difficile ! Mais je crois que c’était mon premier ultra-distance en 2018-2019, la "Born to Ride". Cet événement m'a conduit à pédaler sur 1 200 kilomètres, de Paimpol en Bretagne jusqu'à Saint-Sébastien en Espagne, avec des checkpoints à différents phares le long du parcours. C'était un défi énorme, qui nous obligeait à parcourir entre 250 et 300 kilomètres par jour pendant quatre jours et demi.

Au final, avec le recul, je me rends compte que ce ne sont pas seulement les kilomètres parcourus que je retiens, mais surtout les aventures et les souvenirs créés en cours de route. Chaque journée commençait à 6h30 du matin et se terminait à minuit, avec des pauses pour manger des snickers pour refaire le plein d'énergie. Parfois, j’en mangeais trois d’affilée, mais je savais qu’en quelques heures, je les aurai cramés (rires) !
Traverser plusieurs départements en une seule journée était vertigineux, et les rencontres avec des gens curieux de notre périple ajoutaient à la magie et à la richesse de l'aventure.

Qu'est-ce que tu viens chercher dans ces épreuves ?

Mathias : Ce n'est pas vraiment la performance qui m'attire, mais l'expérience intense que ces épreuves offrent. Dans certains ultras, il y a un classement, et tu peux te fixer des objectifs comme finir dans les 10 premiers ou simplement réussir à terminer, ce qui est déjà un énorme défi. Mais il y a aussi des événements de très longue distance sans classement ni podium, où l'objectif n'est pas la compétition mais plutôt la grande randonnée. Ces épreuves sont physiquement très exigeantes, mais cet engagement physique est un moyen d'accéder à des expériences fortes et mémorables.

« En Irlande, lors d’un voyage à vélo en solo, j’ai eu un vrai choc émotionnel face à la beauté brute des paysages »

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Quel est l'itinéraire le plus mystique que tu aies fait ?

Mathias : C'était en Irlande, il y a deux ans. Je m'oriente de plus en plus vers des pratiques de slow bikepacking, revenant à mes premiers amours pour le cyclotourisme, mais avec un vélo de gravel et du matériel plus moderne. Je préfère partir seul, ça me permet de m'évader après avoir beaucoup interagi avec des gens dans mon travail.

Pendant ce voyage, je pédalais le long de la côte irlandaise, où, on le sait, le temps change constamment – il peut pleuvoir et faire beau plusieurs fois dans la même journée ! Moi, j'adore ce type de météo variable, ça rend le voyage encore plus intéressant.
Au quatrième jour, j'ai vu une île à l'ouest et j'ai décidé de m'y aventurer. En arrivant sur l'île, j'ai été frappé par la beauté brute des paysages. Les formations rocheuses semblaient presque irréelles comme si elles avaient été façonnées par des titans. Cette vision m'a bouleversée, c’était presque comme un choc émotionnel.

Je me suis senti transporté, une sorte de syndrome de Stendhal, ce phénomène psychologique fascinant qu’éprouvent certains voyageurs face à l'intense beauté d'une œuvre d'art.

Ce soir-là, j'ai trouvé refuge dans un petit bed and breakfast. Ils étaient complets, mais ils ont trouvé un moyen de m'accueillir chaleureusement. Je me suis endormi dans un lit chaud en me disant que j'étais exactement là où je devais être. Cet endroit, situé près de Keel, à l'ouest de Sligo, reste aujourd’hui l'un de mes lieux préférés en Irlande.

Est-ce que tu as la sensation d’être aligné avec tes valeurs, grâce à ton métier ?

Mathias : Avoir un métier qui a du sens et être aligné avec ses valeurs, c'est gratifiant. À presque 40 ans, j'apprécie de moins en moins la course effrénée, mais chaque matin, je sais pourquoi je me lève. Je visualise l'impact concret de mon travail : si, à la fin de l'année, 10, 15, 20, ou même 100 personnes choisissent de laisser l'avion de côté pour faire de la rando ou du vélo et découvrir une région proche, alors je sais que j'ai fait une différence. C'est tangible et ça me motive.

« Je trouve que le vélo est devenu très instagrammable… Alors que pour moi, il doit rester ludique et fun »

Que penses-tu de l'évolution de l’outdoor et du vélo ?

Mathias: C’est un sujet que j’observe énormément pour mon travail. On observe une véritable explosion du voyage à vélo et une modernisation du cyclotourisme, désormais appelé bikepacking. Avant, le vélo était souvent perçu comme une activité de club de quartier ou de touristes en vacances. Aujourd'hui, l'image du vélo est devenue beaucoup plus cool et désirable.
Je dois avouer que je trouve qu’il devient même très Instagramable et trendy. Le bikepacking, par exemple, est devenu très à la mode et se prend souvent très au sérieux. Alors que pour moi, le vélo doit rester ludique et fun.

Quand je suis sur mon vélo, j'ai l'impression d'avoir un jouet entre les jambes, je m'amuse, je fais des bruits débiles, je me fiche d'aller vite ou lentement et je retrouve l'insouciance de mes 15 ans. C'est important que le vélo soit amusant. Pour moi, le vélo doit être aussi kiffant qu'un festival de musique, où on peut vraiment s'amuser et se détendre.

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© Sophie Gateau @sofigato

Est-ce que le vélo est plus inclusif qu'avant ?

Mathias : Lors de conférences ou d'événements, on nous demande souvent si le vélo est un sport de riche. Bien que le bikepacking soit populaire et très bien représenté sur Instagram, cela renforce parfois l'image d'une activité réservée aux privilégiés. Il faut diversifier cette image, en incluant des personnes de tous âges, pratiquant différentes disciplines, avec une vraie diversité de genres ou de morphologies, afin de montrer que tout le monde peut faire du vélo.

Cette diversification passe par de nombreuses initiatives, des événements spéciaux aux partenariats avec des marques offrant des vélos plus abordables. Je pense qu’il est crucial de rester vigilant et critique par rapport à ces évolutions pour s'assurer que le vélo et l'outdoor restent accessibles à tous, et pas seulement à une élite privilégiée.

« Il y a parfois une grande dissonance entre les intentions écologiques et les actions réelles dans l’outdoor »

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Damien Bettinelli - @damienbtnli

Est-ce que l'outdoor pousse les gens à être plus sobres au quotidien ?

Mathias : Oui, pour beaucoup, l'outdoor incite à aimer et préserver la nature. Mais il faut rester vigilant. L'impact environnemental de nos activités de plein air peut être considérable, surtout avec des pratiques comme le voyage en avion pour des randonnées, des ascensions spectaculaires ou encore l’accumulation de produits et équipements techniques. Parfois, j’observe une grande dissonnance entre les intentions écologiques et les actions réelles. Par exemple, beaucoup adoptent des pratiques outdoor tout en multipliant les trajets en van ou en avion, ce qui annule souvent les bénéfices environnementaux attendus. Pour que l'outdoor soit réellement bénéfique, il faut promouvoir davantage l'utilisation de matériel d'occasion et des modes de transport plus durables.

Comment éviter de tomber dans le culte de la performance ?

Mathias : Le culte de la performance dans l'outdoor est omniprésent, avec une forte pression pour réaliser des exploits spectaculaires et les partager sur les réseaux sociaux. On voit souvent des files d'attente au pied de l'Everest ou des publications vantant des ascensions impressionnantes. Pour éviter cela, il est super important de se concentrer sur le plaisir et l'expérience personnelle plutôt que sur les accomplissements mesurables. Une randonnée tranquille dans une forêt proche de chez soi peut être tout aussi enrichissante qu'une ascension célèbre. L'important est de profiter du moment, sans se soucier des attentes ou des jugements extérieurs.

La minute culture de Mathias Riquier pour voyager à vélo

Une musique pour les lignes droites : “Abyss”, Talisk

Une musique pour les montées : Meshuggah

Une musique pour les descentes : "Break My Soul", Beyoncé

Une musique pour les virages : "Start as you mean to go on", Aphex Twin.

Un livre pour le soir : "Dans la forêt" de Jean Hegland, une excellente lecture sur le rapport à la nature.

Un périple à vélo ?

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À propos de Frédérique Josse

Chaque jour, j'essaie de comprendre comment évolue le tourisme. J'écris sur le tourisme durable, l'outdoor et l'économie circulaire.

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