Hélène Fauveau, confondatrice de Paulette Bike
À vélo, à pied, en kayak… Qu’importe la monture, pourvu que les sensations soient au rendez-vous. C'est ce “kiff”, que veut partager Hélène Fauveau, quand elle crée Paulette en 2019, son agence de location de vélos, à Toulouse. On a rencontré cette amoureuse de la France, qui compte faire du vélotourisme une nouvelle tendance touristique durable, dans tous les sens du terme !
Hello Hélène ! D’où vient ton amour pour le vélo ?
C’est mon amour pour le sport outdoor tout court qui m’a attiré vers le vélo. Depuis toute petite, j’aime les grands espaces, la nature, combinée au sport. Enfant, je déménageais presque tous les deux ans. Mon père avait la bougeotte, cherchait du renouveau dans son boulot. Je changeais donc de copains souvent, mais j’avais un point d’attache : un chalet dans les Pyrénées. Ce repère m’a beaucoup ancré. Aujourd’hui encore, j’ai besoin de cette déconnexion totale. Je ne pense plus au quotidien, je prends du recul, je dépasse mes limites… et je kiffe (rires) !
Comment est née Paulette ?
Peut-être que c’est mon ADN, mais… j’ai toujours besoin d’être en mouvement, dans ma vie pro et perso, qu’il s’agisse d’un dynamisme intellectuel ou physique. Au début de ma carrière, j’ai travaillé à Paris plusieurs années dans le marketing digital, d’abord en CDI, puis en freelance. Je ressentais un manque de déplacement physique et l’idée de créer une entreprise me titillait.
En 2018, j’ai fait le Canal du midi à vélo, une balade sauvage et bucolique sur les chemins cabossés de Toulouse à Sète, avec des amis que j’avais convertis à la micro-aventure. On était tous équipés, sauf une copine qui voulait louer un vélo. Waouh ! Il fallait faire des demandes de devis, envoyer des emails 3 semaines avant, les prix étaient hallucinants, 150 euros pour 3 jours, je crois. Un parcours du combattant, alors qu’on peut prendre un hôtel à Bali, en 3 clics.
Ce trip à vélo a été incroyable. Je suis un peu tombée amoureuse du vélo et ça m’a donné envie de partager cette passion avec encore plus de personnes, même si, techniquement, je n’y connaissais rien. En rentrant, j’ai parlé de ce projet naissant avec mon père, qui est loueur franchisé de voitures.
Il m’a poussée : “c’est un projet pour toi. Je peux t’aider, si tu veux”. On s’est donnés 2 mois pour réaliser notre business plan et valider le projet. Et le 20 avril 2019, on a ouvert notre première agence à Toulouse, en utilisant les agences de location de voitures de mon père comme relais pour les départs et arrivées de vélos de Narbonne, Béziers et Sète. Les années suivantes, on a ouvert d’autres agences pour enrichir notre réseau et permettre à nos clients de pouvoir parcourir de nombreux autres itinéraires en France : Toulouse, Nantes, Bordeaux, Paris et dans quelques semaines… Lyon. En 2022, ce sont plus de 9000 vélos Paulette qui ont été loués pour des aventures à vélo d’une journée ou pour des séjours plus longs !
« Dans l’itinérance à vélo, il y a cet imprévu terriblement excitant »
D’où vient ton envie de créer des micro-aventures ?
C’est l’expérience de la liberté. Quand tu passes 4 heures par jour sur un vélo, tu as un rapport au temps et au déplacement totalement différents. Et il y a cet imprévu qui est terriblement excitant. On sait qu’on va galérer, qu’on va chercher notre chemin dans le brouillard, c’est exactement ça qu’on vient chercher.
Surtout, j’avais terriblement envie de valoriser le terroir français, dont je suis une fan absolue, pour sa diversité, ses paysages, ses villes, y compris les grandes oubliées, comme Toulouse, certainement parce qu’elle est mal desservie en train, mais aussi Narbonne et Béziers. Quand on se balade dans les villages autour de ces lieux, on découvre de magnifiques villages, des gens incroyables. C’était important pour moi, de faire découvrir ces trésors cachés.
Que viennent chercher les amateurs de vélotourisme, selon toi ?
Du dépassement de soi, une mise au vert, un peu de sport, du partage et surtout, une expérience différente.
Tu peux nous partager l’un de tes plus beaux moments avec Paulette ?
En été 2020, deux jeunes sont venus louer un tandem. Ils voulaient faire une surprise à leur grand-père, un grand passionné de cyclisme qui avait perdu la vue, pour ses 80 ans. Ils voulaient le remettre en selle et le faire pédaler juste une journée, pour lui rappeler des sensations perdues. J’ai trouvé ça vraiment touchant.
« On est de plus en plus nombreux à chercher à vivre un partage, une évasion »
Qu'est-ce qui manque pour faire exploser le tourisme à vélo en France ?
On parle beaucoup de vélos, mais tout est souvent mis dans le même panier : le vélo urbain, le fameux “vélotaf”, c’est autre chose. Beaucoup d’infrastructures et beaucoup d’acteurs composent ce secteur, qui est ultra dynamique. Nous sommes encore aux balbutiements du vélotourisme. Je pense qu’on va bientôt voir un effet rebond de l’explosion du vélotaf sur le tourisme, car le vélo s’intègre de plus en plus à notre quotidien, y compris à nos vacances, notamment grâce au désir grandissant de “slow travel” et de micro-aventures. Je crois et j’espère aussi que les Français veulent de plus en plus dépenser leur argent en France. Mais le frein majeur au développement du vélotourisme, aujourd’hui, c’est la capacité de l’ensemble des acteurs du voyage à travailler ensemble : hôteliers, restaurants, gares... Nos clients ne cherchent pas à “louer un vélo”, ils cherchent à “vivre une expérience” et cela englobe tout le monde. Notre secteur a encore besoin de se structurer et de se moderniser, pour fluidifier la logistique. Les choses avancent et je trouve que le Label Accueil vélo aide beaucoup à professionnaliser ce réseau. On sent que le vélotourisme devient un vrai sujet économique.
Qui t’inspire au quotidien ?
Les gens qui décident de ne pas suivre une route toute tracée, pour créer leur propre chemin.
C’est par exemple le cas des “voyageurs” et “explorateurs” Alexandra David-Néel, Sylvain Tesson ou Mathieu Tordeur. Je suis très admirative de leur capacité à se donner les moyens de faire de l’aventure et l’exploration, un métier à part entière.
Pour citer un autre exemple, j’ai beaucoup d’admiration pour Clarisse Crémer, qui a quitté son métier de consultante pour tenter sa chance dans le circuit professionnel de la voile : un sacré bond ! ».
« Nous sommes encore aux balbutiements du vélotourisme »
Faut-il repenser notre rapport au voyage ?
Oui, la définition du “voyage” a longtemps été associé à la visite d’un site éloigné. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que l’on est de plus en plus nombreux à chercher avant tout à vivre quelque chose, à rencontrer des gens, à être un peu bousculé par une évasion de notre quotidien. On peut “prendre une claque” devant le temple d’Angkor Wat au Cambodge mais on peut aussi vivre la même chose en dégustant un plateau de fruits de mer, un verre à la main, après une journée de 100 km en écoutant les histoires et anecdotes d’un ancien marin. »
Est-ce que le vélotourisme peut contribuer à changer cette vision du voyage, selon toi ?
Oui, c’est l’un des moyens d’atteindre cet objectif d’”émerveillement”. Et j’espère profondément que notre travail au quotidien dans ce secteur permettra de donner envie à de plus en plus de gens de réaliser ce type de séjours.
LA MINUTE CULTURE d'Hélène Fauveau
Une musique pour les virages : Space Oddity - David Bowie
Une musique pour les descentes : Pili pili sur un croissant au beurre - Gaël Faye
Une musique pour les montées : Y tu te vas - La femme
Un podcast pour la sieste : Le temps d’un bivouac, France Inter
Un livre pour partir à l'aventure : Premier de cordée, Roger Frison-Roche