Vincent Drye, La mobilité douce pimentée au grain de folie
À tous ceux qui croient que les voyages à vélo sont d’un ennui mortel. Que la Creuse est une province ringarde. Que les voyages organisés sont l'incarnation de l'angoisse. Allez donc à la rencontre des "Jacquottes" et des "Jacquots". Non, ce ne sont pas des fans du regretté Chirac, mais bien des adeptes de la Mad Jacques, une course en stop qui s'apparente à une aventure déjantée mêlant trek, vélo, kayak et saucisson au village. Pour mieux comprendre ce concept farfelu, j'ai rencontré l'homme qui l'a cocréé il y a déjà six ans déjà, Vincent Drye.
Salut Vincent ! Alors, c’est quoi, la Mad Jacques ?
Ce sont des courses d’aventure à travers la France, au cours de laquelle on raconte une histoire autour d’un territoire, qui regroupent entre 300 et 3000 personnes selon les formats. Le principe est toujours le même : il faut rejoindre un village perdu au milieu de nulle part en deux jours, à vélo, en trek, en canoë, ou en stop, en itinérance. Les participants font entre 50 et 100 km par jour.
Mais alors, c’est réservé uniquement aux frappés du cuissard uniquement
Au contraire, c’est accessible à tous. Beaucoup commencent le bikepacking avec la Mad Jacques. On a toujours deux traces : la "classique" pour les vélotafeurs qui veulent mettre le pied à l’étrier et la “gros mollets”, pour les Jacquos expérimentés qui veulent se laisser guider.
« On veut convertir le maximum de personnes au voyage doux »
Quel est l’objectif de la Mad Jacques ?
On veut que les gens partent moins loin mais mieux. On veut convertir le plus possible de gens au voyage doux. Et on veut remettre de l’aventure dans le quotidien des jeunes urbains. Pour ça, on cherche à recréer des imaginaires autour de l’aventure et des territoires oubliés. Donc chaque Mad Jacques se termine par un festival de deux jours coorganisé par le village. On y trouve des concerts, des ateliers sur le vélo ou la découverte du territoire.
Qu’est-ce qui distingue les aventures à vélo des autres aventures ?
Le vélo apporte un sentiment de liberté immense. Il y a aussi cette fierté de se déplacer grâce à sa propre énergie. Surtout, j’aime le côté sympathique du vélo, qui est franchement propice à la conversation.
« Découvrir un lieu se mérite »
D’où vient cette envie de faire de ta vie professionnelle une quête d’aventure collectives ?
En 2016, je prenais tout juste conscience de notre impact sur l’environnement. Un constat m’animait : découvrir un lieu se mérite. Quand il y a un effort, ça donne du goût et du sens. Mais pas besoin de partir à Pétaouchnok pour ça. La France a une richesse géographique et de tradition immense, ça peut être mille fois plus exotique d’aller en Creuse, dans le Morvan, en Picardie qu’en week-end à Prague.
Tu trouves que les choses ont changé depuis 2016 par rapport à la mobilité douce ?
Les gens veulent consacrer plus de temps à leurs loisirs et être plus souvent dehors. La généralisation du télétravail a laissé plus de place aux petites vacances de quelques jours, surtout pour les 25/35 ans, quand les parents privilégient le camping à la ferme et l’itinérance. Ceci dit, il y a encore un vrai travail à faire pour déconstruire le lien entre distance et exotisme, et pour remettre les bons ordres de grandeur sur ces sujets. Par exemple, une étude de Lobsoco et de Greenpeace a montré que si 70% des 25/35 ans pensent qu’il est urgent d’agir pour le climat, l’empreinte carbone est le dernier critère cité dans le choix d’un mode de transport pour partir en voyage. Pareil, 60% des gens ne font pas encore le lien entre la distance de leurs trajets en avion et le volume d’émission carbone.
« C’est 100 fois plus stylé de partir en Creuse qu’à Bali »
Et toi, quel est ton rôle sur ce sujet ?
On ne veut pas faire la morale. Notre travail est surtout de construire un nouvel imaginaire pour changer les mentalités sur le voyage. Concrètement, on fait un travail de média. On porte cette parole sur nos réseaux, notre newsletter, notre programmation évènementielle. Petit à petit, on va finir par convaincre plus de gens que c’est 100 fois plus stylé d’aller en Creuse qu’à Bali.
Et pourquoi c’est plus stylé, d’ailleurs ?
Quand tu vas en Creuse en hiver, tu découvres que c’est la saison des soirées organisées par les comités de fêtes : bal tradition, moules frites, soirées dansantes, clubs de foot… Il y a une offre de sorties dingue, à tel point que c’est sold out des semaines avant !
C’est quoi, une aventure réussie ?
C’est l’inconnu. En tant qu’organisateur, c’est précisément notre rôle que de faire surgir cet imprévu. C’est ça, le véritable voyage.
Et toi dans tout ça ? Comment tu fais, avec tes deux bambins, pour créer de l’imprévu ?
Je fais beaucoup d’itinérance, en famille et entre potes, c’est vraiment là que je me ressource. Évidemment, je planifie forcément un peu plus, mais l'une des clefs pour retrouver cet inconnu que j'aime tant est de partir en bivouac. Quand je pars à vélo, j’adore être autonome, avec mon réchaud, ma tente. Je peux tout changer selon mon état du moment, y compris quand il s’agit de revoir l’itinéraire à la dernière minute.
Le récap aventurier de Vincent
🥗 Le truc qu’on a envie de manger après 100 bornes à vélo : Un welsch
⛺️ Le conseil pour un bivouac réussi : Une bière fraîche. Un feu si c’est autorisé. Et ne rien laisser traîner (si feu, enterrer les cendres du foyer) !
📚 L’outil inavouable quand on part à l’aventure : Le roman "Guerre et paix" de Tolstoï
💡 Une astuce pour les jours où on enchaîne les galères ? Demander l’hospitalité et ... s’arrêter✋🏻🛑.