Tendance bien connue des randonneurs et des skieurs, objet de recherche depuis près de 40 ans, le tourisme sportif ne cesse de prendre de l’ampleur. Une récente étude révèle qu’1 français sur 3 a opté pour cette pratique sur l’année 2023. Focus sur un phénomène au carrefour d’enjeux économiques, climatiques et de santé publique.
Tourisme sportif : de quoi parle-t-on ?
Le tourisme sportif, c’est quoi, en fait ? Partir en vacances avec, pour motivation première, la pratique ou la découverte d’un sport ?
Ou partir trois jours pour assister à une compétition internationale ?
Ou encore visiter des infrastructures mythiques dédiées aux sports ?
En réalité, c'est un peu tout cela à la fois. Protéiforme, cette pratique, qui remonte au XIXe siècle, fait coexister plusieurs approches.
« Sa définition contemporaine pourrait se résumer au fait de passer au moins une nuitée hors de chez soi dans le but de voir ou de faire une activité sportive », synthétise Marc Langenbach*,* maître de conférences en géographie du tourisme et du sport à l'Université Grenoble Alpes.
Ceci dit, il y a autant de pratiques que de pratiquants. « Cela peut aller de l’activité physique presque contemplative en extérieur, à un sport de forte intensité comme le trail ou la spéléologie », poursuit le chercheur.
1/3 des Français a choisi le tourisme sportif en 2023
Le concept mouvant du tourisme sportif anime au-delà des milieux universitaires. Fin 2023, les ministères des Sports et de l'Économie ont commandé une étude sur ce secteur qui réunit une grande diversité d’acteurs (collectivités locales, hébergeurs, mouvements sportifs, loueurs de matériels, coachs, indépendants, etc.).
« Nous avions besoin d’un état des lieux des données existantes pour identifier la demande, l’offre et les leviers de développement », rapporte Gérard Baudry, responsable du **Pôle ressources nationale Sports innovations **(PRN SI), pilote de l'étude.
Les résultats, livrés fin février 2024, montrent qu’1/3 des Français a pratiqué un sport en 2023, que l’intention soit une motivation principale ou secondaire. « Le secteur doit se structurer davantage, poursuit-il. Mais le potentiel de développement est conséquent puisque 62 % ont l’intention de s’adonner au tourisme sportif à l’avenir ! »
95 % de la population adulte connaît un risque sanitaire en raison d’un manque d’activité physique
Pour Marc Langenbach, il y a une corrélation entre essor du tourisme sportif et démocratisation du sport.
« La location et la distribution du matériel via certaines enseignes se sont développées, rendant certains sports plus accessibles. De même, la perception du sport comme un loisir et une recherche de plaisir, participe à cette démocratisation. Une présence accrue du sport dans le champ médiatique contribue à le populariser notamment lors de grands événements comme les Jeux Olympiques. »
L’ampleur du phénomène tient également « aux stratégies politiques autour d’enjeux climatiques et de santé publique », souligne le chercheur.
Les injonctions à se mettre en mouvement sont de plus en plus prégnantes. « Le tourisme sportif peut avoir un rôle à jouer sur ces sujets d’autant que la promotion de l’activité physique et sportive a été déclarée Grande cause nationale pour 2024 », rappelle Gérard Baudry citant quelques chiffres édifiants : 95 % de la population adulte et 66 % des adolescents connaissent un risque sanitaire en raison d’un manque d’activité physique combiné à des périodes de sédentarité trop importante
L'envie de profiter de la nature, première motivation
Du littoral à la montagne, en passant par les zones rurales, le dénominateur commun au tourisme sportif est presque toujours une immersion ou une confrontation aux espaces naturels.
Pour 62 % des pratiquants, l’envie de profiter de la nature est d’ailleurs la principale motivation. Une donnée qui se traduit dans le choix de la pratique sportive en extérieur : **marche, natation et vélo **trustent le podium des activités physiques les plus pratiquées durant leurs vacances.
Parmi les tendances décrites dans l’étude commandée par les ministères des Sports et de l’Économie, les destinations péri-urbaines et rurales développent une offre autour du vélo ou de la marche, des disciplines plébiscitées pour des séjours sportifs en itinérance.
« Ce type d’activités séduit 10 % des Français, particulièrement les jeunes générations », note Gérard Baudry. Dans une moindre mesure, le canoë, la voile et l’équitation complètent ce panorama.
« De l’hébergement au transport, les territoires se structurent peu à peu pour répondre à cette pratique, même si cela reste encore une niche », relève Marc Lagenbach.
L'argent et le climat, les deux freins à la pratique sportive en vacances
S’il séduit toutes les couches de la population (âge, sexe), le tourisme sportif est plutôt investi par les catégories socio-professionnelles élevées. « C’est à l’image des possibilités qu’ont, aujourd’hui, les Français de pouvoir partir en vacances », analyse Gérard Baudry.
Autres freins : le changement climatique. 78 % des acteurs du tourisme sportif indiquent être déjà affectés, et ce, quelle que soit la région. Pollution, déneigement… et surtout les grandes chaleurs changent la donne.
« Les horaires voire les saisonnalités des pratiques commencent à être repensés, indique le maître de conférences en géographie du tourisme et du sport. L’alpinisme qui commençait en avril ou en mai, débute désormais en mars. »
Toujours selon l’étude, les professionnels commencent à s’adapter. Et 91 % des touristes sportifs “pratiquants” portent déjà une attention particulière au **caractère écologique **du matériel loué, aux gestes éco-responsables, à l’ancrage local, etc. Les leviers pour développer le tourisme sportif sont encore nombreux… La course de fond a déjà commencé.
- Enquête réalisée auprès de 3 000 Français et 680 acteurs de l’offre touristique et sportive en France métropolitaine.
L'info en +
Le tourisme sportif se visite
Encore peu développé en France, le tourisme de visite est parfois considéré comme un pan du tourisme sportif. Il renvoie à la visite d’infrastructures ou de lieux emblématiques liés au patrimoine matériel ou immatériel du sport : architecture d’un équipement sportif, mémoire d’une victoire d’une équipe, musée du football, stade, etc.